La vie ordinaire - Adèle VAN REETH.

Roneo

 J’ai un problème avec la vie ordinaire. Quelque chose qui ne passe pas. Qui m’empêche de respirer (et qui n’est pas l’enfant que je porte en moi quoiqu’il appuie de plus en plus fort sur mon diaphragme) dans les moments anodins. Quelque chose qui m’empêche d’habiter vraiment un endroit, comme si je craignais qu’en m’installant quelque part, une main aux doigts trop nombreux vienne me serrer la gorge jusqu’à l’étouffement. Pourtant, je n’ai aucun reproche à faire à la vie ordinaire, je ne crois pas qu’elle manque d’éclat ni qu’elle soit médiocre, j’y trouve au contraire une douceur qui me plaît, un réconfort accueillant où je reprends des forces avant de repartir. Mais parfois, quand je reste trop longtemps au même endroit, ou quand je suis avec des gens que je connais trop bien, elle devient soudain, contre toute attente, le lieu d’une grande violence – comme si le corps d’un pendu trônait au milieu du salon et que le but était de continuer à vivre l’air de rien. Ça a commencé très tôt, cette saturation du presque-rien qui me dégoûte dans les moments quelconques, les phrases automatiques que je reçois comme des uppercuts en plein visage. Plus je suis proche des gens, plus l’agression est sournoise. Le langage qui tourne en boucle, les mots prévisibles qui déclenchent aussitôt une lassitude monumentale.

 

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